Article 2 : Extrait de "Nouveau Réveil" du 16 Juillet 2007
“Gôpô”
à la Primature,
vendredi dernier : Comment Gbagbo
et Soro ont vécu la
scène du cercueil révolté
Nouveau
Réveil- 16/7/2007
Il
y a eu les
preuves
formelles, matérielles et tangibles, celles sur
lesquelles le Premier ministre s’était
fondé pour affirmer qu’il savait qui
avait perpétré l’attentat contre son
avion et mieux, qui les avait envoyés.
Depuis ce vendredi, “la preuve africaine” a
été versée au dossier. Elle
implique une autorité confortablement assise à la
loge des officiels lors de la
cérémonie d’hommage aux victimes de
l’attentat du 29 juin. Comment Soro et
Gbagbo ont-ils vécu ces derniers
évènements ? Quelle incidence ceux-ci
peuvent-ils avoir sur leurs relations futures ? Il était un
peu plus de 12h 30
ce vendredi 13 juillet.
La
cérémonie nationale d’hommage aux
victimes de
l’attentat tirait à sa fin. Le Premier ministre
Guillaume Soro venait de
remettre le drapeau et les insignes, symbole de la reconnaissance de
l’Etat,
aux familles des disparus. Les soldats désignés
par le protocole d’Etat et les
FANCI se lèvent, par groupes de six, ils
s’emparent des cercueils pour les
installer dans les véhicules mortuaires. Au tour du caporal
Diomandé Siaka,
tout se gâte. Le défunt refuse
d’avancer, le cercueil prend plutôt la direction
de la loge officielle. Les six militaires porteurs
résistent, difficilement du
reste, ils transpirent, ils ont les dents serrées, ils ont
l’air de souffrir
terriblement. Le combat est épique, la scène
inédite crée l’émoi et la
panique
dans l’enceinte de la Primature.
Le
Général Kassaraté, Commandant
supérieur de
la gendarmerie, se lève pour ordonner aux soldats de tout
faire pour empêcher
que le cercueil ne vienne heurter quelqu’un dans cette loge
officielle qu’il a
décidé de prendre pour cible. Les religieux se
lèvent et prient, tous ensemble,
pour essayer de calmer l’esprit du défunt en
colère. Autour du Premier ministre
et du chef de l’Etat, on sent les regards se tirer,
l’inquiétude est palpable
sur tous les visages, l’atmosphère est lourde,
chaude, on a du mal à tenir une
position pendant plus de 30 secondes. On s’interroge, comment
tout cela va-t-il
s’arrêter ? Va-t-on tirer sur les porteurs pour les
obliger à immobiliser ce
cercueil en transe ? La confusion est générale,
l’étonnement aussi.
Heureusement, au bout de 5 minutes, les choses se calment, le cercueil
du
caporal Siaka accepte enfin de partir, de quitter la Primature sans
parler,
sans dire, sans désigner son meurtrier.
Quelques
instants
après, tout le monde
se lève, la cérémonie
s’achève. On voit Guillaume Soro et Laurent Gbagbo
marcher côte à côte,
échangeant quelques mots. De quoi parlent-ils ? Personne
ne le sait, personne ne les entend. On note cependant que le Premier
ministre
dans ses habits de deuil est très peu bavard contrairement
au chef de l’Etat,
détendu comme à son habitude.
Interprétation dans les deux camps. Selon des
sources dignes de foi, le chef de l’Etat, le
Président Laurent Gbagbo, n’aurait
pas caché sa surprise face à la scène
qui venait de se produire. Il aurait même
confié à des proches qu’il avait
entendu parler de ce genre de chose à des
funérailles mais que c’est pour la toute
première fois que ses yeux voyaient
une telle scène. Pour tout dire, Gbagbo se sentait dans la
peau d’un spectateur
étonné par les mouvements du cercueil du caporal
Diomandé Siaka, il ne se
sentait pas visé. Du moins c’est ce
qu’il aurait laissé entendre.
Quant
au
Premier ministre Guillaume Soro, il n’aurait pas
accordé un commentaire spécial
à cette scène. Il aurait observé et
constaté comme tout le monde. En revanche,
d’autres sources proches des Forces nouvelles soulignent que
la dépouille
mortelle du caporal Diomandé Siaka arrivée
à Bouaké n’a pas fait courir les
porteurs dans tous les sens. Ce qui leur a fait dire que le tueur ne
venait pas
certainement de leur zone. Après les preuves
matérielles, formelles que prend
en compte notre société moderne dans la mise en
œuvre de la responsabilité
pénale, voici les preuves africaines. On ne sait pas qui a
tué le Caporal
Diomandé Siaka mais on sait que le coupable se nichait dans
cette loge
officielle. On peut croire ou ne pas croire, à cause de nos
croyances
religieuses. Mais le “Gôpô” est
une réalité bien africaine et
spécifiquement
ivoirienne. En pays akan, ça existe, en pays
bété, ça existe et même chez
les
malinké.
Au
stade où
nous sommes, on parle très peu, on ne dit même pas
toujours ce qu’on pense réellement mais on
réfléchit beaucoup. Laurent Gbagbo
et Guillaume Soro se parlent, ils sont pleins de bonnes
volontés, ils veulent
aller à la paix. Du moins c’est ce
qu’ils disent. Et pourtant, les
évènements
qui se succèdent ne les laissent point
indifférents. La suspicion et la
méfiance grandissent dans chaque camp depuis le 29 juin,
mais chacun essaie de
faire comme s’il n’y a rien. On fait semblant.
“Un jeu de sorciers”. C’est tout
comme. Et il faut être un initié pour comprendre
les mots, les démarches et les
attitudes. Tout est à décoder
dorénavant.
AKWABA SAINT CLAIR